" Du vinaigre pour les arbres, du lait pour la vigne ! "
Sarah André, de la Direction des espaces verts et de l'environnement de la ville de Paris, a initié la mise en place d'un procédé de désinfection des tronçonneuses, entre deux interventions d'élagage, à l'aide de vinaigre blanc pour éviter la contamination des arbres par le phellin et le Pseudomonas. Une technique qui s'ajoute à l'arsenal « bio » mis en place par la capitale à partir de 2002.
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Lors de journées de l'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB) consacrées aux préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), une intervention de Maxime Guérin, de Plante & Cité (le Lien horticole n° 987 du 12 octobre 2016), a été complétée par l'exemple de l'expérience de la ville de Paris. Sarah André, de la Direction des espaces verts et de l'environnement de la capitale, a expliqué comment les pratiques avaient évolué depuis 2002. Jusqu'en 2015, l'utilisation des produits phytosanitaires à Paris mais aussi la fertilisation étaient encadrées par la norme Iso 14 001 « Soins aux végétaux : méthodes alternatives et raisonnées ». Le catalogue a alors évolué vers des produits non toxiques et biologiques. « Ce qui n'exclut pas qu'il est essentiel de porter ses équipements de protection individuelle, d'avoir suivi une formation, d'être certifié à traiter, que les produits soient chimiques, biologiques ou naturels », précise Sarah André en préambule.
La gestion différenciée est mise en place en 2005, des jardins commencent à être labellisés pour leur gestion écologique en 2007, puis la ville se lance dans le label EcoJardin en 2012. En 2015, la certification Iso 14 001 est arrêtée, mais la méthodologie pour arriver au « zéro phyto » est conservée. La mise en place systématique de méthodes alternatives de lutte reste donc une priorité. Cette année-là, les produits à base de glyphosate et 2.4 D sont proscrits, « car déclarés cancérigènes probables par l'Organisation mondiale de la santé ». Mais parmi les problématiques récurrentes de la Direction des espaces verts et de l'environnement (DEVE), se trouve la désinfection des outils horticoles pour éviter la propagation des maladies. « Nous avions en particulier de gros problèmes avec les élagages. Dans les alignements, nous avions souvent un arbre sur deux qui était contaminé, car les équipes intervenant à deux, chacun coupait un arbre puis en laissait un à son collègue... Les chaînes des tronçonneuses étaient désinfectées le soir, dans des seaux. » Chaque agent utilisait de l'alcool ou de la javel, selon son souhait, mais il n'existait pas de systématisation des pratiques. La ville a donc voulu mettre en place une procédure pour limiter ce problème, avec un produit naturel et une méthode simple d'application, afin que les agents de terrain puissent la réaliser systématiquement. Le tout en prenant en compte la spécificité des élagueurs, qui travaillent en hauteur avec du matériel particulier comme la tronçonneuse. Entre 2011 et 2013, « nous nous sommes appliqués à trouver un mode de désinfection alternatif qui ne soit ni toxique, ni irritant, ni difficile à employer, explique Sarah André. C'est dans ce cadre que nous nous sommes intéressés au vinaigre blanc ». Des tests ont été réalisés pour déterminer le bon dosage et l'efficacité, en particulier sur le phellin, Phellinus punctatus, et sur la bactérie Pseudomonas syringae, deux problèmes sanitaires majeurs à Paris. Réalisés par Vegenov via la méthode CEB, ces tests ont montré qu'une solution de vinaigre blanc à 8 % diluée au 1/20e présentait une efficacité en trente secondes sur les deux pathogènes.
Mais problème, la ville doit d'abord se renseigner pour savoir si une telle utilisation du vinaigre est autorisée, s'il est considéré comme biocide ou comme produit phytosanitaire. Pour les services de protection des végétaux, alors contactés, c'est le second cas qui l'emporte. Une démarche permettant d'obtenir la reconnaissance du vinaigre en substance de base est entreprise conjointement par l'ITAB et Paris, le premier défendant un usage pour le traitement des semences de blé contre les champignons, la seconde, donc, la désinfection des outils horticoles. Le 8 juillet 2015, un règlement d'exécution et la commission européenne (2015/1108) approuve la substance de base vinaigre conformément au règlement 1107/2009. Depuis, la ville a donc adopté son usage auprès des élagueurs : « In situ, l'utilisation systématique de la méthode entre deux arbres, grâce à une solution en spray, a été bien intégrée par les équipes. En fin de semaine, le matériel est démonté et l'entretien est plus poussé », précise Sarah André.
L'usage du vinaigre dans la capitale vient s'ajouter aux autres méthodes alternatives déjà éprouvées. Dans la roseraie de Bagatelle, qui compte 6 000 rosiers sur 7 000 m2, mildiou, Marsonina, Botrytis et rouilles sont monnaie courante. Jusqu'en 2014, des traitements fongicides sont réalisés régulièrement avec Polyflor, à base de propiconazole. En 2014, plusieurs modalités alternatives ont été testées. La première a consisté en une application de jus de consoude pur en sortie d'hiver et une application de produit à base d'ortie, prêle et consoude tous les 8 jours. Seconde modalité, une application d'argile et d'extraits végétaux en sortie d'hiver puis traitement ortie, prêle et consoude tous les 10 jours et enfin un produit à base d'algues et de cuivre. « Ces tests n'ont pas été faciles à tenir, le site n'a pas d'équipe d'entretien dédiée, le suivi du protocole a donc été irrégulier, les parcelles ne sont pas identiques », explique Sarah André. En juillet, la situation était tellement difficile, il a été choisi de passer une application de Polyflor en curatif...
En 2015, un seul protocole a été mis en place. Il consiste en 8 applications par an au maximum de Serenade max, à base de Bacillus subtilis, et ce dès que les conditions sont favorables au développement des maladies. Le produit stimule les défenses naturelles et permet de lutter contre les bactérioses, le Botrytis et l'oïdium. Armicarb (bicarbonate de potassium), fongicide contre l'oïdium, est appliqué préventivement à 7-10 jours d'intervalle, en alternance avec un autre produit, du soufre par exemple, si la maladie se déclare, et enfin, Thiovit Jet Microbille, du soufre micronisé, curatif de l'oïdium et des taches noires, est utilisé en cas d'attaque fongique forte. Cette année-là, 8 applications de Sérénade et 6 d'Armicarb ont été réalisées entre avril et juin, suivis en juillet par deux applications de Thiovit. Un protocole renouvelé cette année. « Ce programme est plus un protocole phytosanitaire qu'un renforcement de la plante, précise Sarah André, mais il ne fait usage que de produits naturels. » Et donne des résultats satisfaisants pour l'instant.
La ville dispose aussi d'une expérience dans la vigne, dont elle dispose d'une surface de 4 500 m2 sur 5 sites, le plus grand étant aussi le plus connu, celui de Montmartre (2 000 pieds). Un protocole de soins compatible avec l'agriculture biologique a été établi depuis 2004. Des essais ont été menés en 2008-2009 avec des produits alternatifs, macération de plantes, lait, etc. Une vigilance particulière a été mise en place pour l'utilisation de cuivre (pollution diffuse du sol). En 2010, le Sérénade Max a été mis en oeuvre contre Botrytis en fin de saison. En 2014, Esquive wp (Trichoderma atroviride souche I-1237) a été utilisé contre l'esca, et un protocole à base d'héliosoufre ou héliocuivre (terpènes de pin + cuivre ou soufre) a été mis en place. « Dans des conditions agronomiques et environnementales peu favorables, la situation des vignes reste compliquée », précise Sarah André. Sur cultures fragiles comme le rosier ou la vigne, avancer sur de nouvelles pratiques reste délicat. Alors, quand une technique peut être facilement valorisée comme le vinaigre pour désinfecter les outils, pourquoi s'en priver ?
Pascal Fayolle
L'utilisation systématique de vinaigre entre deux arbres, grâce à une solution en spray, a été bien intégrée par les équipes. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Piège à insectes dans les serres de production de Rungis. PHOTO : SARAH ANDRÉ
Dans la roseraie de Bagatelle, Botrytis et rouilles sont monnaie courante. En 2014, plusieurs modalités alternatives ont été testées. PHOTO : NADINE SCHREIER
Outre les tronçonneuses, les accessoires des élagueurs sont aussi désinfectés si nécessaire. PHOTO : PASCAL FAYOLLE
Le centre de production de la ville de Paris utilise au maximum les méthodes alternatives, la thigmomorphogénèse pour éviter les régulateurs de croissance, en particulier. PHOTO : SARAH ANDRÉ
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